Explorer et protéger une nouvelle frontière écologique
Ice & Life
Entre science et protection de la nature, Ice&Life est un projet novateur qui propose d’explorer une des plus grandes métamorphoses actuelles de notre planète. En raison de la modification du climat par les activités humaines depuis la Révolution Industrielle, les glaciers fondent partout sur Terre et ce processus s'accélère. De la fin du Petit Âge Glaciaire (1850-1900 selon les régions) à la fin du 21ème siècle, le déclin glaciaire aura libéré des centaines de milliers de km2. Dans ces zones qui constituent certaines des dernières zones de nature vierge de notre planète, une diversité d'écosystèmes terrestres (zones rocheuses, pelouses, forêts, etc.), d’eau douce (rivières, lacs, zones humides, etc.) et marins (fjords, littoraux, lagons, etc.) se développent. En collectant des données scientifiques inédites sur cette nouvelle frontière écologique et en montrant le rôle crucial que jouent les glaciers et les écosystèmes postglaciaires face aux défis sans précédents de l’Anthropocène (climat, eau, biodiversité, etc.), Ice&Life vise à augmenter la protection de ces écosystèmes clés.
Ice&Life s’articule autour de trois objectifs complémentaires :
- Améliorer la connaissance (Science)
- Diffuser la connaissance dans la société et en particulier aux acteurs des territoires englacés (Communication)
- Améliorer la protection des glaciers et des écosystèmes postglaciaires (Conservation)
Actualités
Science
Ice&Life vise à développer la connaissance scientifique interdisciplinaire sur les écosystèmes glaciaires et postglaciaires, ainsi que sur la transition entre ces derniers. Les recherches, menées de la zone pilote en Haute-Savoie à l’ensemble de la planète, portent notamment sur l’évolution des glaciers, le développement des écosystèmes postglaciaires, l’importance de ces écosystèmes pour les enjeux du climat, de la biodiversité, de l’eau douce et des activités humaines. Des recherches seront aussi menées sur les menaces qui pèsent sur ces écosystèmes et les opportunités de protection et de gestion durable.
Grâce aux recherches menées depuis 2021 dans Ice&Life et détaillées ci-dessous, on apprend que…
- L’ensemble des 210,000 glaciers de la Terre (en dehors des deux calottes continentales Antarctique et Groenlandaise) couvraient ~665,000 km2 en 2020 (environ la surface de la France). En fonction des scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, cette surface devrait diminuer de 22 ± 8% à 49 ± 15% d’ici 2100. Les zones désenglacées associées devraient s’étendre de 149,000 ± 55,000 (la surface du Népal) à 339,000 ± 99,000 km2 (la surface de la Finlande) et seront principalement composées de zones terrestres (78%), puis de dépressions sous-marines (14%) et continentales (8%), permettant le développement de grands écosystèmes terrestres, marins et d’eau douce (dans * Bosson et al. (2023) Glaciers and postglacial ecosystems: common goods to protect in the Anthropocene).
- Les glaciers et les écosystèmes post-glaciaires ont un rôle majeur à jouer dans l’atténuation et l’adaptation face au changement climatique, pour limiter l’élévation du niveau marin, garantir l’accès à l’eau douce dans de nombreuses régions et enrayer l'effondrement de la biodiversité*.
- Les glaciers et les écosystèmes post-glaciaires sont encore peu reconnus dans les politiques de conservation de la nature et peu couverts par des aires protégées (seulement 30% des surfaces au niveau mondial sont protégées dont 8% dans les sites du Patrimoine Mondial de l’Humanité). Étant principalement situés sur des espaces publiques, ces écosystèmes qui font face à de nombreuses menaces (infrastructures, pollutions, destructions, etc.) pourraient être facilement et rapidement protégés à l’échelle mondiale*.
- Sur les 28 % des zones désenglacées depuis la fin du Petit Âge Glaciaire (1850), l'occupation du sol est dominée par des substrats minéraux : les affleurements rocheux (56,82 %), les tabliers d’éboulis (20.30%) et les moraines de glaciers (15,69 %). En 2022, des inventaires de la faune et de la flore ont été réalisés sur ces espaces pour mieux connaître les espèces composant ces milieux.
- La température du lac de Bionnassay (Haute-Savoie), formé depuis 15 ans suite au retrait glaciaire, ne dépasse jamais 2.5°C et la diffusion de la lumière est extrêmement réduite au-delà de 50 cm de profondeur. Ces conditions extrêmes, typiques des lacs glaciaires, limitent le développement de la vie aux rares espèces adaptées.
Campagne de terrain 2022
L’équipe d’ASters CEn-74, a suivi 14 sites sur les marges proglaciaires de Haute-Savoie. Des inventaires de la faune ont été réalisés


Près de 40 relevés botaniques ont été réalisés et 9 sites ont fait l’objet de prélèvements d’invertébrés.
Recherches en cours
Conservation

Pourquoi et comment protéger les glaciers et les écosystèmes qui leur succèdent ?
Les glaciers et les écosystèmes qui leur succèdent couvrent d’immenses surfaces sur Terre et ont une importance clé pour le climat, le cycle de l’eau, la distribution du vivant, etc. Augmenter leur protection, alors qu’ils demeurent très peu considérés dans les politiques de protection de la nature, est, en ce sens, une grande priorité et les actions menées dans le cadre de Ice&Life tentent d’y contribuer.
Concrètement, leur protection passe évidemment en priorité par l’accélération globale de l’atténuation du changement climatique et Ice&Life cherche à augmenter la considération et l’utilisation des glaciers comme levier de sensibilisation et d’actions pour y parvenir (à l’instar de ce qui a été préconisé par Bosson et al., 2019 dans l’article scientifique Disappearing World Heritage Glaciers as a Keystone of Nature Conservation in a Changing Climate et fait en Suisse depuis 2019 avec l’Initiative pour les Glaciers).
En complément de cette approche indirecte sur l’atténuation du changement climatique, Ice&Life développe un plaidoyer et des solutions concrètes pour augmenter la protection in-situ des glaciers et des écosystèmes qui leur succèdent à travers la création d’aires protégées, la reconnaissance d’écosystèmes protégés (e.g. zones humides récemment apparues) et l’élargissement de la législation environnementale. Protéger dès aujourd’hui fortement les zones englacées et récemment désenglacées permet ainsi de protéger proactivement ces écosystèmes clés en mutation (qu’ils soient glaciaires ou postglaciaires), de garantir leur libre évolution, leur fonctionnement, les services écosystémiques qu’ils fournissent, et de limiter le développement d’activités humaines non durables et impactantes à leur surface.
Les actions menées depuis 2021 dans Ice&Life ont permis de…
Développer l’argumentaire visant à mieux protéger ces écosystèmes clés dans un document intitulé “pourquoi et comment protéger les glaciers et les écosystèmes qui leur succèdent”. Cet argumentaire sera finalisé en 2023 avec notamment la participation de juristes et diffusé aux acteurs du territoires et en particulier aux décideurs politiques.
Partager ces idées et échanger avec de nombreux acteurs des territoires (élus, administrations, entreprises, acteurs socio-économiques, citoyens) au cours d’échanges formels et informels lors de conférences publiques, de sorties de terrain, etc. Ice&Life et les idées développées sur la protection de ces écosystèmes ont par exemple été présentés lors d’une trentaine de conférences depuis 2021.
Créer un comité d’ambassadeurs (personnalités emblématiques) afin de relayer les messages de protection.
Contribuer à la création de l’Arrêté Préfectoral de Protection des Habitats Naturels (APHN) du Mont-Blanc - Site d’exception par l’Etat français en 2020 sur 32 km2 autour du sommet du Mont-Blanc. Même si ce travail s’est effectué avant le lancement de Ice&Life, les idées et la connaissance scientifique à la base de ce projet ont largement été utilisées dans la rédaction des “fondements scientifiques en vue de la création de l’APHN du Mont-Blanc” que nous avons rédigé à Asters-CEN74 à la demande de l’Etat français.
Equipe et Partenaires
Le projet Ice&Life a été développé par le glaciologue Jean-Baptiste Bosson au sein du service scientifique d’Asters, le Conservatoire d’Espace Naturels de Haute-Savoie depuis 2021. Asters-CEN74 a notamment pour missions de développer la connaissances sur les milieux naturels et d’accompagner les territoires dans leur préservation. Le conservatoire est le gestionnaire des 9 Réserves Naturelles Nationales (comprenant une dizaine de glaciers) de Haute-Savoie pour le compte de l’Etat français et a accompagné ce dernier dans la création de l’Arrêté de Protection des Habitats Naturels (APHN) du Mont-Blanc en 2020.
L’équipe du projet réunit des écologues d’Asters-CEN74 et du WWF-France ainsi que des scientifiques de différents laboratoires de recherche. Un comité d’ambassadeurs est en cours de constitution afin d’aider à la diffusion des résultats et préconisation de protection.
